Page:Berlioz - Mémoires, 1870.djvu/123

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coup de la grosse caisse amenait l’explosion finale ! Mon damné cor ne fait pas sa note, les timbales ne l’entendant pas n’ont garde de partir, par suite, les cymbales et la grosse caisse se taisent aussi ; rien ne part ! rien !  !  !… les violons et les basses continuent seuls leur impuissant trémolo ; point d’explosion ! un incendie qui s’éteint sans avoir éclaté, un effet ridicule au lieu de l’écroulement tant annoncé ; ridiculus mus !… Il n’y a qu’un compositeur déjà soumis à une pareille épreuve qui puisse concevoir la fureur dont je fus alors transporté. Un cri d’horreur s’échappa de ma poitrine haletante, je lançai ma partition à travers l’orchestre, je renversai deux pupitres ; madame Malibran fit un bond en arrière, comme si une mine venait soudain d’éclater à ses pieds ; tout fut en rumeur, et l’orchestre, et les académiciens scandalisés, et les auditeurs mystifiés, et les amis de l’auteur indignés. Ce fut encore une catastrophe musicale et plus cruelle qu’aucune de celles que j’avais éprouvées précédemment.. Si elle eût au moins été pour moi la dernière !


XXXI


Je donne mon second concert. — La symphonie fantastique. — Liszt vient me voir. — Commencement de notre liaison. — Les critiques parisiens. — Mot de Cherubini. — Je pars pour l’Italie.


Malgré les pressantes sollicitations que j’adressai au ministre de l’intérieur pour qu’il me dispensât du voyage d’Italie, auquel ma qualité de lauréat de l’Institut m’obligeait, je dus me préparer à partir pour Rome.

Je ne voulus pourtant pas quitter Paris sans reproduire en public ma cantate de Sardanapale, dont le finale avait été abîmé à la distribution des prix de l’Institut. J’organisai, en conséquence, un concert au Conservatoire, où cette œuvre académique figura à côté de la symphonie fantastique qu’on n’avait pas encore entendue. Habeneck se chargea de diriger ce concert dont tous les exécutants,