Page:Berlioz - Mémoires, 1870.djvu/179

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première fois depuis mon arrivée en Italie, j’entendis de la musique. L’orchestre, comparé à ceux que j’avais observés jusqu’alors, me parut excellent. Les instruments à vent peuvent être écoutés en sécurité ; on n’a rien à craindre de leur part ; les violons sont assez habiles, et les violoncelles chantent bien, mais ils sont en trop petit nombre. Le système général adopté en Italie de mettre toujours moins de violoncelles que de contre-basses, ne peut pas même être justifié par le genre de musique que les orchestres italiens exécutent habituellement. Je reprocherais bien aussi au maestro di capella le bruit souverainement désagréable de son archet dont il frappe un peu rudement son pupitre ; mais on m’a assuré que sans cela, les musiciens qu’il dirige seraient quelquefois embarrassés pour suivre la mesure... À cela il n’y a rien à répondre ; car enfin, dans un pays où la musique instrumentale est à peu près inconnue, on ne doit pas exiger des orchestres comme ceux de Berlin, de Dresde ou de Paris. Les choristes sont d’une faiblesse extrême ; je tiens d’un compositeur qui a écrit pour le théâtre Saint-Charles, qu’il est fort difficile, pour ne pas dire impossible, d’obtenir une bonne exécution des chœurs écrits à quatre parties. Les soprani ont beaucoup de peine à marcher isolés des ténors, et on est pour ainsi dire obligé de les leur faire continuellement doubler à l’octave.

Au Fondo on joue l’opéra buffa, avec une verve, un feu, un brio, qui lui assurent une supériorité incontestable sur la plupart des théâtres d’opéra comique. On y représentait, pendant mon séjour, une farce très-amusante de Donizetti, Les convenances et les inconvenances du théâtre.

On pense bien, néanmoins, que l’attrait musical des théâtres de Naples ne pouvait lutter avec avantage contre celui que m’offrait l’exploration des environs de la ville, et que je me trouvais plus souvent dehors que dedans.

Déjeunant, un matin, à Castellamare, avec Munier, le peintre de marine, que nous avions surnommé Neptune :« — Que faisons nous ? me dit-il, en jetant sa serviette, Naples m’ennuie, n’y retournons pas...

— Allons en Sicile.»

— C’est cela, allons en Sicile ; laissez-moi seulement finir une étude que j’ai commencée, et, à cinq heures, nous irons retenir notre place sur le bateau à vapeur.

— Volontiers, quelle est notre fortune ?»

Notre bourse visitée, il se trouva que nous avions bien assez pour aller jusqu’à Palerme, mais que, pour en revenir, il eût fallu, comme disent les moines, compter sur la Providence ; et, en Français totalement dépourvus de la vertu qui transporte les montagnes, jugeant qu’il ne fallait pas tenter Dieu, nous nous séparâmes, lui, pour aller portraire la mer, moi pour retourner pédestrement à Rome.

Ce projet était arrêté dans ma tête depuis quelques jours. Rentré à Naples le