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À M. HABENECK


huitième lettre
Berlin.


Je faisais dernièrement à mademoiselle Louise Bertin, dont vous connaissez la science musicale et le sérieux amour de l’art, l’énumération des richesses vocales et instrumentales du grand Opéra de Berlin. J’aurais à parler à présent de l’Académie de chant et des corps de musique militaire, mais puisque vous tenez à savoir avant tout ce que je pense des représentations auxquelles j’ai assisté, j’intervertis l’ordre de mon récit, pour vous dire comment j’ai vu fonctionner les artistes prussiens dans les opéras de Meyerbeer, de Gluck, de Mozart et de Weber.

Il y a malheureusement à Berlin, comme à Paris, comme partout, certains jours où il semble que, par suite d’une convention tacite, existant entre les artistes et le public, il soit permis de négliger plus ou moins l’exécution. On voit alors bien des places vides dans la salle et bien des pupitres inoccupés dans l’orchestre. Les chefs d’emploi, ces soirs-là, dînent en ville, ils donnent des bals ; ils sont à la chasse, etc. Les musiciens sommeillent, tout en jouant les notes de leur partie ; quelques-uns même ne jouent pas du tout : ils dorment, ils lisent, ils dessinent des caricatures, ils font de mauvaises plaisanteries à leurs voisins, ils jasent assez haut ; je n’ai pas besoin de vous dire tout ce qui se pratique à l’orchestre en pareil cas...

Quant aux acteurs, ils sont trop en évidence pour se permettre de telles libertés (cela leur arrive quelquefois cependant), mais les choristes s’en donnent à cœur-joie. Ils entrent en scène les uns après les autres, par groupes incomplets ; plusieurs d’entre eux, arrivés tard au théâtre, ne sont pas encore habillés,