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pour lui, vous autres du Conservatoire, aux grands jours d’enthousiasme et d’entrain.

Le solo des instruments de cuivre, dans l’introduction, fut surtout foudroyant, exécuté par quinze grands trombones basses, dix-huit ou vingt trombones ténors, et altos, douze bass-tubas et une fourmilière de trompettes.

Le bass-tuba, que j’ai déjà nommé plusieurs fois dans mes précédentes lettres, a détrôné complètement l’ophicléïde en Prusse, si tant est, ce dont je doute, qu’il y ait jamais régné. C’est un grand instrument en cuivre, dérivé du bombardon et pourvu d’un mécanisme de cinq cylindres qui lui donne au grave une étendue immense.

Les notes extrêmes de l’échelle inférieure sont un peu vagues, il est vrai ; mais redoublées à l’octave haute par une autre partie de bass-tuba, elles acquièrent une rondeur et une force de vibration incroyables. Le son du médium et du haut de l’instrument est d’ailleurs très-noble, il n’est point mat, comme celui de l’ophicléïde, mais vibrant et très-sympathique au timbre des trombones et trompettes dont il est la vraie contre-basse, et avec lequel il s’unit on ne peut mieux. C’est Wiprecht qui l’a propagé en Prusse. A. Sax en fait maintenant d’admirables à Paris.

Les clarinettes me parurent aussi bonnes que les instruments de cuivre ; elles firent surtout des prouesses dans une grande symphonie-bataille composée pour deux orchestres par l’ambassadeur d’Angleterre, comte de Westmoreland.

Vint ensuite un brillant et chevaleresque morceau d’instruments de cuivre seuls, écrit pour les fêtes de la cour par Meyerbeer, sous ce titre : la Danse aux flambeaux, et dans lequel se trouve un long trille sur le ré, que dix-huit trompettes à cylindres ont soutenu, en le battant aussi rapidement qu’eussent pu le faire des clarinettes, pendant seize mesures.

Le concert a fini par une marche funèbre très-bien écrite et d’un beau caractère, composée par Wiprecht. On n’avait fait qu’une répétition ! ! !

C’est dans les intervalles laissés entre les morceaux par ce terrible orchestre, que j’ai eu l’honneur de causer quelques instants avec madame la princesse de Prusse, dont le goût exquis et les connaissances en composition rendent le suffrage si précieux. S. A. R. parle en outre notre langue avec une pureté et une élégance qui intimidaient fort son interlocuteur. Je voudrais pouvoir tracer ici un portrait shakespearien de la princesse, ou faire entrevoir au moins l’esquisse voilée de sa douce beauté ; je l’oserais peut-être... si j’étais un grand poëte.

J’ai assisté à l’un des concerts de la cour. Meyerbeer tenait le piano ; il n’y