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de l’expérimentation chez les êtres vivants.

ne saurait nous rien apprendre sur sa nature. Quand nous savons que le contact physique et chimique du sang avec les éléments nerveux cérébraux est nécessaire pour produire les phénomènes intellectuels, cela nous indique les conditions, mais cela ne peut rien nous apprendre sur la nature première de l’intelligence. De même, quand nous savons que le frottement et les actions chimiques produisent l’électricité, cela nous indique des conditions, mais cela ne nous apprend rien sur la nature première de l’électricité.

Il faut donc cesser, suivant moi, d’établir entre les phénomènes des corps vivants et les phénomènes des corps bruts, une différence fondée sur ce que l’on peut connaître la nature des premiers, et que l’on doit ignorer celle des seconds. Ce qui est vrai, c’est que la nature ou l’essence même de tous les phénomènes, qu’ils soient vitaux ou minéraux, nous restera toujours inconnue. L’essence du phénomène minéral le plus simple est aussi totalement ignorée aujourd’hui du chimiste ou du physicien que l’est pour le physiologiste l’essence des phénomènes intellectuels ou d’un autre phénomène vital quelconque. Cela se conçoit d’ailleurs ; la connaissance de la nature intime ou de l’absolu, dans le phénomène le plus simple, exigerait la connaissance de tout l’univers ; car il est évident qu’un phénomène de l’univers est un rayonnement quelconque de cet univers, dans l’harmonie duquel il entre pour sa part. La vérité absolue, dans les corps vivants, serait encore plus difficile à atteindre, car, outre qu’elle supposerait la connaissance de tout l’univers extérieur au