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PAUL

« Les lettres, mon fils, sont un secours du ciel. Ce sont des rayons de cette sagesse qui gouverne l’univers, que l’homme, inspiré par un art céleste, a appris à fixer sur la terre. Semblables aux rayons du soleil, elles éclairent, elles réjouissent, elles échauffent ; c’est un feu divin. Comme le feu, elles approprient toute la nature à notre usage. Par elles nous réunissons autour de nous les choses, les lieux, les hommes et les temps. Ce sont elles qui nous rappellent aux regles de la vie humaine. Elles calment les passions ; elles répriment les vices ; elles excitent les vertus par les exemples augustes des gens de bien qu’elles célebrent, et dont elles nous présentent les images toujours honorées. Ce sont des filles du ciel qui descendent sur la terre pour charmer les maux du genre humain. Les grands écrivains qu’elles inspirent ont toujours paru dans les temps les plus difficiles à supporter à toute société, les temps de barbarie et ceux de dépravation. Mon fils, les lettres ont consolé une infinité d’hommes plus malheureux que vous : Xénophon, exilé de sa patrie après y avoir ramené dix mille Grecs ; Scipion l’Africain, lassé des calomnies des