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JEAN-ARTHUR RIMBAUD

phyte révolutionnaire venaient, on l’a vu, de se rompre dans de la boue sanglante ; il avait rapporté de Paris une vision tumultueuse de désespoir. La misanthropie gagnait déjà ses immenses facultés d’aimer ; le dégoûta à l’égard des foules assaillait son merveilleux cœur. Il ne pouvait s’épancher auprès de sa mère du flot de tristesse noyant l’esquif de son âme bouleversée Madame Rimbaud, depuis la première fugue, était plus âprement douloureuse que son fils. Il chercha diversion ; il écrivit à M. Izambard, en lui envoyant le Cœur volé, une lettre affectueuse, dans laquelle il énonçait de nouvelles visées en art poétique et proscrivait les acquisitions antérieures sous ce rapport. Sans doute espérait-il par là intéresser l’ami que pas encore il ne jugeait « comme les autres ». Il devait aussi penser que sa lettre allait être le point de départ d’un échange de propos esthétiques et d’un troc de ces cordialités délicates dont il éprouvait un si pressant besoin. Hélas ! l’universitaire ne pouvait comprendre le Cœur volé, non plus que les spéciales et vigoureuses ambitions littéraires de l’auteur ; il répondit par une épître de moqueries si lourdes et par l’envoi d’une parodie si vulgaire, si incompréhensive du Cœur volé, que Rimbaud, cruellement déçu dans son esprit comme dans son cœur, fut pris d’une co-