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JEAN-ARTHUR RIMBAUD

marquent d’étonnement, plus, avec une manie baudelairienne de mystification, il s’ingénie à les dérouter.

Il ne faudrait pas croire, toutefois, qu’il fût devenu un bavard. Non. Ses paradoxes, ramassés sur eux-mêmes, ne s’élançaient qu’en boutades, dans les instants où son habituel silence, son isolement étaient poussés hors de soi par un ambiant ressassement de lieux communs.


Cette période de son développement intellectuel est aussi l’époque de la crise physiologique de sa puberté. Si son âme est pleine d’orages, son système nerveux est trépidant.

Quand il est à la maison, on le trouve trop sombre, irascible ; ses gestes sont saccadés, ses manières grossières. À sa mère, retombant à son sujet dans le désespoir, il apparaît si singulier que, un moment, elle le croit devenu fou. Mais elle refléchit qu’il est dans l’âge critique, pense qu’il s’est surmené l’esprit par l’étude, qu’il a été trop impressionné par la guerre et la Commune, et elle espère que, la crise physiologique passée, il redeviendra plus raisonnable. Ses petites sœurs elles-mêmes ne sont pas sans s’attrister des façons d’être nouvelles du grand frère, dont elles aimaient tant la distinction. Les délicates attentions d’autrefois sont à pré-