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JEAN-ARTHUR RIMBAUD

sent très rares. Il ne s’intéresse plus à leurs jeux, présidés naguère par lui avec une si ingénieuse initiative. Ce n’est pas sans effarement que, dans leur candeur, elles l’observent devenir violent dans ses gestes, acariâtre dans ses paroles, prononcées d’une voix tout autre que celle dont la musique leur agréait auparavant, de cette voix de la mue alternativement trop aiguë et trop grave. Elles s’étonnent aussi de sa carrure et de sa taille, qui, de jour en jour, se développent ; de son teint hâlé, rapporté du dernier voyage à Paris, et qui remplace les roseurs et les pâleurs si jolies d’antan. Mais ce qui les émeut par-dessus tout, c’est le dédain que lui, autrefois si pieux, affecte pour leurs jeunes dévotions.


Parmi les gens qu’il voyait alors à Charleville, il y avait un bohème nommé Charles Bretagne, employé aux contributions indirectes, poète bachique, vague dessinateur à ses moments perdus, entomologiste et joueur d’alto. À cause de son âge relativement avancé, on le surnommait « le père Bretagne ». Très barbu, très anticlérical, gras, gros buveur de bière, grand culotteur de pipes, sa physionomie ressemblait assez, en grotesque, au personnage du Bon Bock de Ma-