Page:Berrichon - Jean-Arthur Rimbaud, 1912.djvu/155

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tres, futurs journalistes, il ne fait pas bon vivre parmi vous quand on est pauvre et qu’on a du talent ! Et la méchante réputation qu’on lui faisait poursuivra Rimbaud jusqu’au delà du tombeau, même quand l’histoire de sa vie l’aura montré dans sa vérité de noblesse. Il aurait excité, a-t-on prétendu, le fâcheux penchant du Pauvre Lélian[1] aux excès alcooliques. Répétons qu’avant de connaître Verlaine, Rimbaud ne s’était jamais grisé, et faisons remarquer qu’après sa rupture avec Verlaine il se déshabituera de boire en très peu de temps : ce sont là des faits qui ne peuvent, à cette heure, être contestés par personne. Nous savons en outre que, dès le commencement de 1872, c’est-à-dire six mois après son entrée en relations avec le

    plutôt modérées, la mauvaise habitude de gâter au point de vue du vin et des liqueurs, — Rimbaud qui se trouvait gris, prit mal la chose, se saisit d’une canne à épée à moi qui était derrière nous, voisins immédiats, et, par dessus la table large de près de deux mètres, dirigea vers M. Carjat qui se trouvait en face ou tout comme, la lame dégainée qui ne fit pas heureusement de très grands ravages, puisque le sympathique ex-directeur du Boulevard ne reçut, si j’en crois ma mémoire qui est excellente dans ce cas, qu’une éraflure très légère à une main ». (Paul Verlaine, préface aux poésies complètes de A. Rimbaud, édition Vanier). Ajoutons à ce récit que M. Carjat était un géant, portant beau. Très « costeaud », comme on dit à la Villette, il prétendait en imposer à tout le monde. Après cette histoire, il détruisit les clichés de ses photographies de Rimbaud.

  1. Anagramme de Paul Verlaine.