Page:Berrichon - Jean-Arthur Rimbaud, 1912.djvu/181

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une singulière contradiction. La structure virile, athlétique de l’adolescent démentait son visage enfantin, presque féminin ; la structure molle et quasi féminine de l’homme fait contrastait avec son masque de vieux faune. On sait, d’autre part, que Rimbaud, à dix-sept ans, possédait la conscience intellectuelle d’un homme mûr, et que Verlaine, à vingt-huit ans, demeurait l’enfant qu’il devait toujours être. Il n’est pas jusqu’à leur manière d’agir qui ne fût, chez chacun, contradictoire de l’apparence. L’adolescent au visage de fillette montrait une énergie directe de héros ; l’homme fait, malgré sa tête de Barbare, présentait une langueur flottante de femme sinueuse. Le Bateau ivre, conçu à seize ans, c’est l’audace dans la force ; Sagesse, écrit à trente ans, c’est la prostration dans la crainte. Quant aux rapports sociaux : Rimbaud, de visage amène, fuyait généralement autrui ; Verlaine, de physionomie farouche, se mourait dans la solitude. L’un et l’autre, diront les psycho-physiologistes, furent des anormaux. Le génie est toujours anormal.

Que l’admiration poétique de Verlaine ait pu dégénérer en affection passionnelle : il serait hasardeux d’en disconvenir. Son tempérament, en somme, l’y portait, et peut-être aussi l’excitation que lui constituaient, à cette époque, les