Page:Berrichon - Jean-Arthur Rimbaud, 1912.djvu/196

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Aussitôt Rimbaud descendu du train, les deux amis, heureux de se revoir, entrèrent dans le plus proche café. Là, tout en se rafraîchissant et sustentant, ils devisèrent des moyens de franchir sans encombre la frontière. Verlaine, à tout prix, ne voulait pas, avant de partir, aller rue Nicolet. Il fut décidé qu’on se mettrait en route le soir même. Et, au lieu de prendre les billets pour Bruxelles, ce qui eût pu donner l’éveil à l’agent de police possiblement de surveillance aux guichets, on les prit pour Arras, ce qui constituait à Verlaine, vu sa parenté artésienne, un plausible prétexte de voyage. L’un et l’autre étaient sans bagage et vêtus comme pour une promenade.

Dans Mes Prisons, sous le titre de « Une… manquée », le Pauvre Lélian a raconté tout au long, avec humour, l’aventure burlesque qu’ils eurent aussitôt leur arrivée à Arras. Au cas où, vraiment, Verlaine eût été l’objet des recherches de la police, leur baudelairienne mystification aurait pu être dangereuse. Par bonheur, il n’en fut rien. Forcés seulement de rétrograder en chemin de fer sur Paris, dès leur retour ils repartirent vers la Belgique par une autre gare, celle de l’Est, où, toujours en précaution de dépister la possible surveillance policière, ils crurent ne devoir prendre leursbillets que pour Charleville, résidence de Rimbaud.