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JEAN-ARTHUR RIMBAUD

vie étrange, laissez-les avoir froid et faim, laissez-les courir, aimer et chanter. Ils sont aussi riches que Jacques Cœur, tous ces fols enfants, car ils ont des rimes plein l’âme, des rimes qui rient et qui pleurent, qui nous font rire et pleurer. Laissez-les vivre ! Dieu bénit tous les miséricordieux, et le monde bénit les poètes[1]

  1. Le manuscrit de cet exercice, proposé en classe par M. Izambard, est visé par lui. Il fut communiqué en 1891 à une revue savante où collaborait certain docteur Laurent, qui le publia. Ce même docteur Laurent, criminaliste de l’école de Lomhroso, avait, auparavant, dans un gros bouquin d’anthropologie, publié, à l’appui d’on ne sait quelle thèse pathologique sur le cas mental de Rimbaud, des vers apocryphes dont l’auteur n’était autre que Maurice du Plessys. Voici ces vers, tels qu’ils parurent pour la première fois dans le Décadent du 1-15 février 1888 ;

    LES CORNUES


    L’abdomen prépotent des bénignes Cornues
    Seballoune tel un Ventre de femme enceinte.
    Es-dressoirs, elles ont comme des airs de sainte
    Procession vers quel Bondieu ? de plages nues…

    Et leur Idole, à ces point du tout ingénues
    Pelreines, c’est Tes Gloires jamais atteintes,
    Ô la Science, Phare inaccessible…
    · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
    Mais c’est dans l’âpre Etna de vos nuits, ô Cornues !
    Que mûrit le fœtus des Demains triomphants !
    — Ô Vulve ! de Leur bec tels des Sexes d’enfants

    Et volute du Flanc telles les lignes nues
    Du pur Torse de l’Ève aux rigidités lisses :
    S de Leur col fluet comme de jeunes Cuisses !

    Arthur Rimbaud.

    Il convient de dire, à la décharge de M. Laurent, que cette parodie, aussi amusante certes et plus spirituelle que