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JEAN-ARTHUR RIMBAUD

devait en résulter, étant donné le caractère impératif de Madame Rimbaud. La discipline se resserra davantage à la maison. Tant et si bien que, une semaine à peine s’écoulant, Arthur, dont la conscience, en dépit de la leçon de Mazas, se sentait mûre pour l’indépendance, s’enfuyait de nouveau, sans un sou et à pied, cette fois.

Il avait eu comme condisciple, au collège de Charleville, le fils du directeur du Journal de Charleroi, M. des Essarts. L’espoir naïf de devenir rédacteur à cette feuille le conduit. Il descend la grandiose et farouche vallée de la Meuse, et il arrive à Fumay. Là, il voit un camarade, Billuart, à qui il fait part de son dessein et de son impécuniosité. Billuart, effaré, mais solidaire, le nantit de chocolat et d’une recommandation près d’un sergent de mobiles, en garnison à Givet.

Arrivé, sur le soir, dans cette ville-frontière, Rimbaud ne trouve pas à la caserne le militaire, de garde ce jour-là. Harassé par la longue étape, il se couche en sa place, dans le lit de troupe. Puis, le lendemain matin, avant la diane, sans rencontrer d’obstacle, il quitte la caserne, et, ventre vide, pédestrement toujours, il franchit la frontière et se dirige vers Charleroi. Trop impatient pour attendre la descente de garde, afin de parer à tout soupçon, il a laissé dans la chambre