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JEAN-ARTHUR RIMBAUD


Ils voient le fort bras blanc qui tourne
La pâte grise et qui l’enfourne
Dans un trou clair.
Ils écoutent le bon pain cuire.
Le boulanger au gros sourire
Chante un vieil air.

Ils sont blottis, pas un ne bouge
Au souffle du soupirail rouge
Chaud comme un sein.
Quand pour quelque médianoche,
Façonné comme une brioche,
On sort le pain,

Quand sous les poutres enfumées
Chantent les croûtes parfumées
Et les grillons,
Que ce trou chaud souffle la vie,
Ils ont leur âme si ravie
Sous leurs haillons,

Ils se ressentent si bien vivre,
Les pauvres Jésus pleins de givre,
Qu’ils sont là tous
Collant leurs petits museaux roses
Au treillage, grognant des choses
Entre les trous,

Tout bêtes, faisant leurs prières
Et repliés vers ces lumières
Du ciel rouvert,
Si fort qu’ils crèvent leur culotte
Et que leur chemise tremblotte
Au vent d’hiver.