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Je crus que je trouverais le complément de l’art dans la nature. J’étudiai la nature.

» Je sortais le matin de ma demeure et je n’y rentrais que le soir. Tantôt, accoudé sur le parapet d’un bastion en ruines, j’aimais, pendant de longues heures, à respirer le parfum sauvage et pénétrant du violier qui mouchète de ses bouquets d’or la robe de lierre de la féodale et caduque cité de Louis XI[1] ; à voir s’accidenter le paysage tranquille d’un coup de vent, d’un rayon de soleil ou d’une ondée de pluie, le bec-figue et les oisillons des haies se jouer dans la pépinière éparpillée d’ombres et de clartés, les grives accourues de la montagne vendanger la vigne assez haute et touffue pour cacher le cerf de la fable, les corbeaux s’abattre de tous les coins du ciel

  1. Ce château, imposé à Dijon par la tyrannique défiance de Louis XI, lorsqu’après la mort de Charles-le-Téméraire il s’empara du duché au détriment de l’héritière légitime Marie de Bourgogne, a plus d’une fois tiré contre la ville, qui, il est vrai, lui a bien rendu ses gracieusetés. Aujourd’hui, ses tours chenues servent de retraite à une compagnie de gendarmes.