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les chênes ! Ah ! monsieur, combien la solitude a d’attraits pour le poète ! j’aurais été heureux de vivre dans les bois et de ne faire pas plus de bruit que l’oiseau qui se désaltère à la source, que l’abeille qui picore à l’aubépine et que le gland dont la chute crève la feuillée !…

— Et l’art, lui demandai-je ?

— Patience ! l’art était encore dans les limbes. J’avais étudié le spectacle de la nature, j’étudiai les monuments des hommes.

» Dijon n’a pas toujours parfilé ses heures oisives aux concerts de ses philharmoniques enfants. Il a endossé le haubert — coiffé le morion — brandi la pertuisane — dégaîné l’épée — amorcé l’arquebuse — braqué le canon sur ses remparts — couru les champs tambour battant et enseignes déchirées, et, comme le ménestrel gris de la barbe qui emboucha la trompette avant de râcler du rebec, il aurait de merveilleuses histoires à vous raconter, ou plutôt, ses bastions croulants, qui encaissent dans une terre mêlée de débris les racines