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feuilleuses de ses marronniers d’Inde, et son château démantelé dont le pont tremble sous le pas éreinté de la jument du gendarme regagnant la caserne, — tout atteste deux Dijons : un Dijon d’aujourd’hui, un Dijon d’autrefois.

» J’eus bientôt déblayé le Dijon des quatorzième et quinzième siècles, autour duquel courait un branle de dix-huit tours, de huit portes et de quatre poternes ou portelles, — le Dijon de Philippe-le-Hardi, de Jean-sans-Peur, de Philippe-le-Bon et de Charles-le-Téméraire, avec ses maisons de torchis à pignons pointus comme le bonnet d’un fou, à façades barrées de croix de Saint-André ; avec ses hôtels embastillés, à étroites barbacanes, à doubles guichets, à préaux pavés de hallebardes ; — avec ses églises, sa sainte chapelle, ses abbayes, ses monastères, qui faisaient des processions de clochers, de flèches, d’aiguilles, déployant pour bannières leurs vitraux d’or et d’azur, promenant leurs reliques miraculeuses, s’agenouillant aux cryptes sombres de leurs martyrs, ou au reposoir fleuri de leurs jardins ; — avec son torrent de Suzon dont le cours, chargé de poncels de bois et de moulins à farine, sépa-