Page:Bertrand, Gaspard de la nuit, 1920.djvu/21

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que les enfants soient jaloux des chefs-d’œuvres de leurs pères ! Allez maintenant où fut la Chartreuse, vos pas y heurteront sous l’herbe des pierres qui ont été des clefs de voûtes, des tabernacles d’autels, des chevets de tombeaux, des dalles d’oratoires ; des pierres où l’encens a fumé, où la cire a brûlé, où l’orgue a murmuré, où les ducs morts ont posé le front. — O néant de la grandeur et de la gloire ! on plante des calebasses dans la cendre de Philippe-le-Bon ! — Plus rien de la Chartreuse ! Je me trompe. — Le portail de l’église et la tourelle du clocher sont debout ; la tourelle élancée et légère, une touffe de giroflée sur l’oreille, ressemble à un jouvenceau qui mène en laisse un lévrier ; le portail martelé serait encore un joyau à pendre au cou d’une cathédrale. Il y a outre cela, dans le préau du cloître, un piédestal gigantesque dont la croix est absente et autour duquel sont nichées six statues de prophètes, admirables de désolation. — Et que pleurent-ils ? Ils pleurent la croix que les anges ont reportée dans le ciel.

« Le sort de la Chartreuse a été celui de la plupart des monuments qui embellissaient Dijon à l’époque de la réunion du duché au domaine royal. Cette ville n’est plus que l’ombre d’elle-même.