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EXERCICE ANALYTIQUE.
(distinguer les substantifs propres des substantifs communs.)

Combien de monuments dont la grandeur étonne !
Regardez : c’est Bossuet qui s’élève et qui tonne ;
C’est Descartes, du monde éclairant le chaos ;
C’est Corneille, Pascal, Racine, Despréaux ;
Montesquieu qui des lois explique les oracles ;
Buffon de la nature étalant les miracles ;
Et vous, chœur immortel par les Grâces orné,
Vous, reines des beaux-arts, que conduit Sévigné.
Je reconnais Martel qui sut dans nos vieux âges
Du Maure débordé repousser les ravages ;
Charles qui, de cent rois le vainqueur ou l’appui,
Vit l’univers entier se taire devant lui ;
Des Guesclin, des Bayard la valeur souveraine,
Et, plus près de nos jours, Catinat et Turenne.

(Castel.)

Fontanes ! dont la voix consola les tombeaux ;
Saint-Lambert ! qui chantas les vertus des hameaux ;
Morellet dont la plume éloquente et hardie
Plaida pour le malheur devant la tyrannie ;
Suard ! qui réunis, émule d’Adisson,
Le savoir à l’esprit, la grâce à la raison ;
La Harpe ! qui du goût expliquas les oracles,
Sicard ! dont les leçons sont presque des miracles.
Jussieu, Laplace ! et toi vertueux Daubenton
Qui m’appris des secrets inconnus à Buffon :
Je ne vous verrai plus.

(Michaud.)

No VIII.
substantifs collectifs.

Tout le peuple crie : victoire au fils d’Ulysse.

(Fénelon).

Leur flotte impérieuse, asservissant Neptune,
Des bouts de l’univers appellera fortune.

(Voltaire.)

Le Seigneur a soufflé sur l’amas de leurs richesses injustes, et l’a dissipé comme de la poussière.

(Massillon.)

Du milieu de cette île, un berceau toujours frais
Monte, se courbe en voûte, et s’embellit sans frais
De touffes d’aubépine et de lilas sauvage.

(Roucher.)

Ne dois-je toutefois célébrer que l’essaim
Des fleurs dont cet enclos a diapré son sein ?

(Roucher.)

Qu’est-ce qu’une armée ? c’est une multitude d’âmes pour la plupart viles et mercenaires.

(Fléchier)

D’insectes lumineux mille escadrons légers
Viennent tourbillonner dans les bois d’orangers.

(Castel.)

Comment percer cette foule effroyable de rimeurs affamés ?

(Boileau).

Le charançon dévore un vaste amas de graines.

(Delille.)

… Le sort malencontreux
Conduit en cet endroit un grand troupeau de bœufs.

(Boileau.)

Je cours et je ne vois que des troupes craintives
D’esclaves effrayés, de femmes fugitives.

(Racine.)

La plupart des femmes n’ont guère de principes ;
elles se conduisent par le cœur.

(La Bruyère.)

Et tes flatteurs tremblants sur un tas de victimes
Déjà du nom d’Auguste ont décoré tes crimes.

(Voltaire.)

Saint Louis va prendre terre au travers des vagues
et d’une grêle de traits.

(Fléchier.)

Parmi les substantifs que renferment ces exemples, et qui sont tous des substantifs communs, il y en a qui servent à désigner des collections totales ou partielles d’individus ou d’objets d’une, même nature ; tels sont troupe, amas, foule, armée, multitude, forêt, flotte, quantité, régiment, infinité, etc.

Une armée est une réunion d’hommes armés. Ce mot présente à l’esprit l’idée de plusieurs hommes assemblés dans le but de faire la guerre, et cependant le substantif armée est au nombre singulier, parce que ce substantif n’est point le nom des hommes armés, mais le nom d’une réunion ; il n’y a ici qu’une armée.

Une flotte est une réunion de vaisseaux. Le mot flotte éveille l’idée d’un certain nombre de navires de guerre, naviguant à peu de distance les uns des autres, pour combattre sur mer ou pour protéger le commerce maritime, et cependant le substantif flotte est au nombre singulier, parce que ce substantif n’est point le nom des vaisseaux, mais celui d’une réunion : il n’y a pas ici deux flottes, il n’y en a qu’une.