Page:Bibesco - La Question du vers français, 1896, éd3.djvu/27

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la sorte ? Et M. Psichari qui s’écrie avec une candeur mirifique : « Le fait sera tout d’abord nié par les poètes. » Les poètes sont peut-être les moins intéressés et les moins compétents en ce litige, qui sait!

3° Entrons à fond dans les couches didactiques de la question, dans son tuf. L’e muet compte, et doit compter, nécessairement, fatalement, indubitablement, en raison d’un phénomène supérieur, d’un phénomène souverain : c’est l’origine étymologique. Ces finales muettes, ces e peu sonores que M. Psichari écrase du talon de sa botte grammaticale comme de mauvaises herbes, ces e muets, qui le gênent partout, au cœur ou au bout de chaque vocable, ces désinences, si infimes, si modestes en apparence, font, en réalité, partie de la vie intime du mot. Tous les mots, ou presque tous les mots qui, en français, finissent par un e muet, sont dans ce cas.

Qu’on en ramasse au hasard dans cet énorme tas, on constatera que toujours, ou presque toujours, les désinences françaises correspondent à des désinences latines. La langue latine étant plus sonore que la langue française (de là, vraisemblablement, une sonorité plus grande conservée dans l’italien), la grande loi de l’altération phonétique venant par surcroît influencer cette dépression phonale des désinences françaises, le contact des phonèmes germaniques et de leurs innombrables demi-muettes s’ajoutant aux influences précédentes, — il en est résulté un débordement de finales muettes en français qui font prendre le change aux ignorants, que le peuple étrangle ou avale, mais que la culture conserve, que la Grammaire et le Dictionnaire, c’est-à-dire la Science, imposent, que la Littérature, c’est-à-dire la pratique unanime des grands écrivains,