Page:Bibesco - La Question du vers français, 1896, éd3.djvu/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

consacre. Personne, Lettre, Monde, Épître, Voyelle, Syllabe, Exemple, Mesure, Transmettre, Représente : autant de termes dont la désinence a un passé, une forme, une histoire. Le vandalisme de l’argot, les anomalies, les corruptions de la prononciation familière ou populaire ont beau nuire à ce passé, la poésie est toujours là pour reconstituer l’état-civil du mot, perpétuer son intégrité, maintenir sa physionomie : c’est par là que, s’en doutant ou non, la poésie reste si glorieusement grammaticale et si intelligemment conservatrice.

L’instinct musical et grammatical a admirablement guidé en cela tous les grands poètes de la langue, sans la moindre exception, sans compter leurs disciples. Ils ont mieux que compris, mieux que calculé : ils ont senti, avec un tact infaillible, unanime, — quoique, bien certainement, dès la Renaissance, les e muets fussent atténués ou escamotés par la prononciation vulgaire, — que ne pas tenir compte, dans la supputation métrique, de la personnalité des e muets, c’est pis encore que violenter le vers ; ce serait (car enfin il faudrait, dans ce massacre, se montrer conséquent) défigurer la structure intérieure ou terminale d’une quantité de mots, et, en dernier résultat, mutiler la langue.

4° S’apercevant des énormités où pourrait aboutir son point de départ, M. J. Psichari s’arrête un moment et se ravise. Il consent à tenir compte d’un autre élément. Il recommande « la recherche des lois d’après lesquelles la compensation de la mesure absente serait obtenue tantôt par le silence, tantôt par l’allongement de la voyelle qui précède ».

Franchement, nous ne comprenons pas que M. Psichari se batte les flancs à la recherche d’une loi introuvable, et nous le