Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/180

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s’étaient passés, et conclut en ordonnant le massacre du duc et de tous les complices de sa foi-mentie.

Cet acte de rigueur fut aussi le dernier acte de la vie militaire et politique de Carloman. Depuis longtemps, dit-on, il nourrissait dans son esprit le dessein de renoncer aux grandeurs du monde et à la vie tumultueuse des camps pour passer le reste de ses jours dans le recueillement et dans la solitude; le souvenir du massacre de Canstadt contribua peut-être à fixer sa résolution. Il s’en ouvrit enfin à son frère, et, en 747, il résigna entre les mains de Pepin tous ses titres et tous ses droits. Puis, accompagné de son fils Drogon, qui, ajouta-t-on, aspirait avec une égale ardeur à la paix du cloître, il s’achemina vers l’Italie, avec une brillante escorte de leudes porteurs de riches présents, destinés par son frère au pape Zacharie. Le pape lui-même lui donna la tonsure avec le conseil de se rendre au Mont-Cassin et de prêter serment d’obéissance à la règle de saint Benoît. Carloman fit ainsi; et, après avoir fait recevoir son serment par l’abbé Optatus, il jeta les fondements d’un monastère qu’il fit bâtir, en l’honneur de saint Sylvestre, sur le mont Soracte. Plus tard il s’y installa lui-même. Cependant il n’y demeura pas longtemps. Troublé trop fréquemment dans sa solitude par les visites des pèlerins francs qui affluaient à Rome, il résolut de rentrer à Mont-Cassin et y trouva enfin le repos qu’il cherchait.

Bien que nous ne puissions ajouter une foi entière aux anecdotes que Reginon nous a transmises sur l’entrée mystérieuse de Carloman à Mont-Cassin et particulièrement sur la manière dramatique dont le cénobite austrasien se fit connaître aux moines ses nouveaux compagnons, nous le voyons cependant se vouer à toutes les pratiques de la vie claustrale avec la même ferveur qu’il avait mise naguère à conduire un grand gouvernement et à diriger une armée. Toutefois il n’y put demeurer complétement étranger aux affaires du siècle. Si les documents contemporains ne nous renseignent pas au sujet de la part qu’il prit à l’élévation de Pepin à la royauté, nous savons cependant qu’il intervint à plusieurs reprises auprès de son frère en faveur de Gripo, qui, rendu à la liberté en 747, avait payé d’ingratitude la générosité de Pepin en lui suscitant une foule d’ennemis, mais qui était de nouveau tombé entre les mains du roi. Nous savons aussi que, en 753, lorsque le pape Étienne III s’apprêtait à venir en France solliciter le secours de Pepin contre le roi des Lombards Aistulf, Carloman se rendit lui-même en Neustrie. A la vérité, les historiens ne sont pas d’accord sur la nature de la mission qu’il y remplit, les uns affirmant qu’il avait été obligé par son abbé et par Aistulf lui-même, de qui relevait le Mont-Cassin, à essayer de dissuader Pepin de répondre à l’appel du pape (Einhardi Ann. ad ann. 753; Hermann. Contract. ap. Dom Bouquet, tom. V, p. 362; Anastas. Vita Stephani, ap. Dom Bouquet, tom. V,p. 436); d’autres prétendant, au contraire, qu’il accompagna de sa personne le souverain pontife pour solliciter le roi de prendre les armes contre les Lombards (Marian. Scot. Chronic., lib. III, ap. Dom Bouquet, tom. V, p. 363); d’autres encore assurant qu’un des principaux motifs qui l’amenèrent en deçà des Alpes, fut de réclamer en faveur du Mont-Cassin la restitution du corps de saint Benoît qui avait été naguère transféré en Bourgogne et se conservait dans le monastère de Florey-sur-Ousche (Sigebert. Gemblac. Chronic., ad ann. 753). De toutes ces assertions la plus vraisemblable est que Carloman vint plaider en France la cause de Rome contre les Lombards. On sait que, l’année suivante (754), Pepin fit sa première expédition contre Aistulf et qu’il força ce prince à lui fournir des otages et à lui prêter serment de féauté. Pendant que le roi montrait dans les plaines de la Lombardie la force et la valeur de son épée, la reine Bertrade et Carloman attendaient à Vienne en Dauphiné le retour de l’armée. Mais, avant que la campagne se trouvât terminée, le cénobite austrasien fut atteint de la fièvre et y succomba. Son corps fut transporté au Mont-Cassin où il reçut une sépulture honorable et où l’on voit encore aujourd’hui, dans l’église du monastère,