Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/314

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Tels furent les résultats de cette mémorable expedition dont la renommée porta le récit jusqu’aux extrémités du monde connu, et qui fit bénir le nom de Charles-Quint par des millions d’hommes. Ce prince eût bien désiré poursuivre ses succès et chasser Barberousse d’Alger, comme il venait de le chasser de Tunis. Mais la saison s’avançait; la distance qu’il fallait franchir était grande; l’armée comptait un nombre considérable de malades : il se détermina à remettre cette entreprise à un autre temps et à aller visiter ses royaumes de Sicile et de Naples qu’il ne connaissait pas encore[1]. Après avoir licencié la flotte de Portugal, renvoyé en Espagne une partie de ses troupes, mis garnison à la Goulette et dans le château de Bone, il se rembarqua le 16 août, pour faire voile le lendemain. Le 22 il aborda à Trapani, d’où il se rendit par terre à Palerme. Il fit dans cette capitale une entrée solennelle (12 septembre). Il y avait convoqué les états du royaume; cette assemblée lui accorda un subside de trois cent cinquante mille ducats. De Palerme il passa à Messine, qui le reçut magnifiquement (21 octobre) et lui présenta dix mille écus d’or. En quittant la Sicile, il y laissa pour vice-roi don Fernando de Gonzaga. Le 25 novembre il entra à Naples : là l’enthousiasme qu’excita sa présence n’eut pas de bornes; les Napolitains lui témoignèrent leur admiration et leur dévouement par les démonstrations les plus significatives. Les états, qu’il assembla, ainsi qu’il l’avait fait à Palerme, manifestèrent les sentiments dont ils étaient animés pour leur souverain en votant trois cent mille ducats de subside extraordinaire. A peine sut-on en Italie qu’il se trouvait à Naples, que les ducs de Ferrare, d’Urbin, de Florence, vinrent l’y visiter; des légats du pape, des ambassadeurs de Venise, des envoyés des autres princes et États italiens, y arrivèrent aussi, chargés de le complimenter sur ses récentes victoires. Il avait fait venir des Pays-Bas sa fille Marguerite; il la maria, le 29 février 1536, à Alexandre de Médicis, suivant l’engagement qu’il en avait pris envers Clément VII.

Ce pontife était mort dans le temps que, par ses condescendances pour François Ier, il allait compromettre la paix de l’Italie. Adoptant une politique plus sage, son successeur, Paul III, s’attachait à tenir la balance égale entre le roi de France et l’empereur. Charles-Quint prend la résolution de l’aller trouver : il espère obtenir de lui la convocation d’un concile général qu’il avait sollicitée en vain de Clément VII; il veut aussi l’entretenir de l’état de ses relations avec le monarque français qui chaque jour devenait plus critique. Il part de Naples le 22 mars 1536. A Terracine, première ville des États pontificaux, il trouve les cantonaux Trivulzio et San Severino, que le pape a commis pour le recevoir, l’accompagner et lui faire rendre partout les honneurs qui lui sont dus. Il couche à Saint-Paul hors des murs de Rome le 4 avril; le jour suivant il fait son entrée dans la ville éternelle. Vingt-deux cardinaux, suivis d’un grand nombre d’archevêques, d’éveques, d’abbés et d’autres prélats, ainsi que le sénat et les principaux de la ville, viennent au-devant de lui; ils se joignent aux seigneurs de sa cour et aux officiers de sa maison, avec lesquels ils forment son cortége. Des gentilshommes romains portent le dais sous lequel il s’avance. Cinq cents hommes d’armes et quatre mille hommes d’infanterie, commandés par le marquis del Vasto et le duc d’Albe, ouvrent et ferment la marche. Au moment où il passe devant le château Saint-Ange, la garnison incline devant lui ses drapeaux et ses armes; tous les soldats mettent le genou en terre. Le pape l’attendait à la porte extérieure de Saint-Pierre, entouré de quatre cardinaux : Charles descend de cheval au bas de l’escalier, et vient lui baiser le pied; Paul III l’embrasse, entre avec lui dans la basilique, où ils font leur prière; ensuite il regagne ses appartements, tandis que l’empereur est conduit dans ceux que, quarante-deux années auparavant, sous le

  1. Lettre de Charles à son ambassadeur Hannart, du 16 août 1535. (Lanz, II, 200.)