Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/331

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nance de la même date que la sentence donne une nouvelle constitution à la ville. La nomination des échevins est attribuée au prince ou à ses délégués, sans l’intervention d’électeurs. Les trois membres qui représentaient la commune sont abolis ; la collace sera formée désormais des deux colléges échevinaux et de six notables choisis dans chacune des sept paroisses de la ville par ces colléges et par le bailli. Les Gantois n’auront plus de juridiction, autorité et prééminence sur le Vieux-Bourg, les villes et châtellenies de Courtrai, Audenarde, Termonde, Alost, Grammont, Ninove, les Quatre-Métiers, le pays de Waes, en un mot sur tout ce qu’on avait accoutumé d’appeler les châtellenies et le quartier de Gand. Toute réunion du peuple, quel qu’en soit le but, est interdite ; quiconque la convoquerait ou y assisterait en armes encourra la peine de mort. Les cinquante-trois métiers et le métier des tisserands sont réduits à vingt et un. Le titre et les fonctions de doyen sont supprimés ; chaque métier aura un chef (overste) que le bailli et le magistrat choisiront parmi les bourgeois. Les fêtes de la Tauwe wet et de Saint-Liévin, si chères au Gantois, mais qui, il faut le dire, occasionnaient beaucoup d’abus et de désordres[1], sont abolies. Nous ne citons ici que les dispositions les plus essentielles de cette charte, qui se compose de soixante-quinze articles. L’humiliation, l’abaissement des Gantois sont consommés, le 3 mai, par l’amende honorable qu’ils viennent faire à l’empereur et à la reine, en présence de la cour, des chevaliers de la Toison d’or, des seigneurs, des ministres et « d’une multitude de gens de toutes qualités et quartiers[2]. » Le 4, sept arrêts de mort sont encore rendus par le prévôt général de l’hôtel et exécutés[3] ; ils sont suivis de nombreuses condamnations au bannissement ou à des pèlerinages. Les corporations et les individus qui, dans diverses parties de la Flandre, s’étaient associés à la rébellion, sont punis, à leur tour, de peines plus ou moins rigoureuses, selon le plus ou le moins de part qu’ils y ont pris. Courtrai voit ses priviléges confisqués et sa constitution réformée comme Gand. La charte d’Audenarde est modifiée dans un sens peu favorable aux libertés communales. Des dispositions analogues sont appliquées à Grammont, à Ninove, à Renaix, à Deynze. Toutes ces condamnations, toutes ces mesures législatives, semblent dictées moins encore par l’intention de châtier le mouvement qui vient d’avoir lieu que par celle de prévenir de nouveaux soulèvements dans la suite. Sous ce rapport on ne saurait contester que Charles-Quint n’ait atteint son but : la Flandre fut, à partir de ce temps, — si l’on excepte les quelques années de la révolution qui éclata sous Philippe II — l’une des provinces les plus paisibles des Pays-Bas.

Pendant son séjour dans la capitale de la Flandre, Charles signa[4] le renouvellement de la trève que, trois années auparavant, la reine sa sœur avait conclue avec le roi de Danemark Christiern III. Il reçut la visite des ducs de Clèves et de Savoie, des ducs de Brunswick, de la comtesse palatine du Rhin, sa nièce, du cardinal Farnèse, légat de Paul III, de l’évêque de Trente et d’au-

  1. Sur ces deux fêtes la Relation des troubles, pp. 83 et 103, donne de curieux détails
  2. Relation des troubles, p. 156. L’auteur ajoute : « Il y avait une fort grant presse, tant estoit le tout plain, bas et hault, ès fenestres et galleries de la cour ; et rampoit le peuple partout sur les murs et thoits des maisons de ladicte court où ils povoient avoir lieu et plâche, tant avoir chacun grant désir de venir lesdis de Gand faire ladicte réparation hounourable. Mais le moindre nombre de tous ceulx quy y viendrent pour le veoir estoit de la ville, pour ce que c’estoit bien à leur grant déshonneur et regret. »
  3. Cinq exécutions eurent lieu à Gand, et deux à Audenarde. Il y avait eu ainsi seize exécutions capitales, comme le porte la lettre à l’archevêque de Séville que nous avons publiée. (Relation des troubles, p. 683.)

    D’après M. Alex. Henne (Histoire du règne de Charles-Quint en Belgique), on en compterait vingt-deux, savoir : neuf du 17 mars, six du 19, sept du 4 mai, et il se fonde, pour celles du 19 mars, sur un passage du Cort verhael. Mais il est à observer : 1o qu’on ne cite pas de sentence de cette date ; 2o que l’empereur, écrivant le 10 avril au cardinal de Tolède, dit expressément que jusqu’alors il s’est fait justice de neuf des plus coupables. (Relation des troubles', p. 678.)

  4. Le 14 avril 1540 ; (Alex. Henne, Histoire du règne de Charles-Quint en Belgique, t. VII, p. 228.)