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captivité du landgrave, l’oppression de ceux qui professaient la religion réformée, l’influence donnée à des étrangers dans le gouvernement de l’Allemagne, le livre publié par le commandeur D. Luis d’Avila y Çuñiga sur la guerre de 1546 et 1547[1]. A la suite de son entrevue avec Albert de Bavière, Maurice prit le chemin de Lintz, où il arriva le 18 avril[2]. Le duc Albert et l’évêque de Passau l’accompagnaient : son chancelier et son conseiller Carlowitz l’y avaient précédé[3]. Dans les conférences qui eurent lieu entre lui et Ferdinand, il déclara qu’il ne pouvait rien conclure sans ses confédérés. Il fut convenu en conséquence qu’une autre assemblée, où seraient convoqués tous les princes de l’Allemagne, se tiendrait à Passau le 26 mai. Le roi exprima le désir qu’une trève fût observée à compter du 11 du même mois et durât pendant tout le temps du congrès; Maurice ne s’y montra pas contraire, mais bientôt après il fit savoir à Ferdinand et à l’empereur que ses alliés consentaient seulement à ce que la trève commençât le jour de l’ouverture du congrès, pour prendre fin au 10 juin[4].

Le 8 mai il avait rejoint ses troupes, qui, sous la conduite de Guillaume de Hesse et de Jean-Albert de Mecklembourg, s’étaient portées sur Gundelfingen. Un projet hardi lui roulait dans la tête : il ne visait à rien moins qu’à surprendre l’empereur à Inspruck et à le faire prisonnier. Dans ce dessein, il mit aussitôt son armée en marche : il vint jusqu’à Füssen, dernière ville de la Bavière vers le Tyrol, sans qu’on soupçonnât le but de ses mouvements[5] : il avait soin de publier, sur son passage, qu’il prenait cette direction « pour avoir moyen d’entretenir ses gens et les accommoder de vivres[6]. » L’entrée du Tyrol de ce côté forme un défilé que défendait le château d’Ehrenberger-Klause[7]. Une douzaine d’enseignes d’infanterie allemande étaient chargées de la garde de ce château : comme elles s’y trouvaient mal à l’aise, elles commirent l’imprudence de camper dehors. Assaillies tout à coup avec impétuosité, le 19 mai, par les troupes de Maurice, elles furent mises en une complète déroute, et il n’y en eut qu’une partie qui put rentrer dans la place. Le château d’Ehrenberger, situé sur un rocher escarpé de toutes parts, était très-fort : il ne fit toutefois pas de résistance, les ennemis l’ayant attaqué par un point où la garnison se croyait à l’abri de tout danger, parce qu’elle le regardait comme inaccessible; mais les soldats de Maurice, ayant un berger pour guide, étaient parvenus à cet endroit, en grimpant au haut du rocher par un sentier inconnu[8].

Le roi des Romains se trouvait à Inspruck auprès de Charles-Quint; il y était venu afin de se concerter avec l’empereur sur les concessions qu’il pourrait faire aux confédérés à Passau, et sur les mesures que l’un et l’autre auraient à prendre, au cas que les négociations demeurassent sans résultat[9]. Charles, depuis quelque temps, songeait à rendre à la liberté Jean-Frédéric de Saxe, pour l’opposer à Maurice; c’était un moyen qui, mis en pratique plus tôt, aurait pu changer la face des affaires, car les peuples de la Saxe regrettaient toujour leur ancien souverain. Il en délibéra avec Ferdinand. Son frère s’étant rangé à son avis, il fit annoncer à Jean-Frédéric, par Granvelle[10], qu’il avait résolu

  1. Lettre de Charles à la reine Marie du 15 avril 1552. (Archives du royaume.)
  2. Bucholtz, t. IX, p. 541.
  3. Ibid., p. 539.
  4. Lanz, t. III, p. 201. — Schmidt, t. VII, p. 393.
  5. Suivant Schmidt, t. VII, p. 394, Maurice « avait promis de bouche à Walter de Hirnheim, chargé de porter à l’empereur son consentenment à la trève, de ne point sortir de son camp jusqu’à ce temps. » Charles, dans sa lettre du 30 mai, donnée par Lanz, t. III, p. 201, ne parle pas de cette promesse.
  6. Lanz, t. III, p. 203.
  7. Chiusa en italien, l’Ecluse en français. Ce château a été rasé dans les guerres de la révolution française.
  8. De Thou, liv. X. — Robertson, t. II, p. 338.
  9. Lanz, t. III, p. 202.
  10. « ..... Questa mattina, monsigr d’Arras è stato in casa di Gian Federigo di Saxonia a negotiar seco per spatio di tre hore : visita mai piú falta da lui et tanto insolita che dà materia a ugniuno di pensare alla liberatione di costui. » (Lettre de l’ambassadeur Pandolfini du 13 mai 1552.)