Page:Bizet - Lettres à un ami, 1909.djvu/41

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des deux pédales, et, dans le fortissimo, joignait toujours le moelleux, le velouté, à la vigueur et à l’éclat. C’était une chose des plus émouvantes, une des plus hautes sensations d’art, que de lui entendre dire à demi-voix, quelquefois presque à voix basse, en s’accompagnant au piano, — et avec son organe de ténor il chantait tour à tour les parties de femmes, de baryton ou de basse, — c’était une des plus hautes sensations d’art que de lui entendre dire les belles pages qu’il choisissait dans les œuvres des maîtres dont il possédait à Paris une riche bibliothèque. Le souvenir de ces auditions me revient souvent, et il me semble alors que résonnent encore à mes oreilles tantôt un morceau, tantôt l’autre : certains accents superbes du rôle de Cassandre dans la Prise de Troie de Berlioz, « Tu ne m’écoutes pas, tu ne veux rien comprendre, » plus loin, la vision de la prophétesse, ses paroles entrecoupées et les dessins de l’orchestre remplissant les silences de Cassandre, ou bien l’étude de la Chasse de Heller, le numéro XIV en fa mineur des Nuits Blanches du même, les 32 variations