Page:Bizet - Lettres à un ami, 1909.djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de Beethoven sur un thème en ut mineur, la Marche Funèbre de Chopin, des fugues et des préludes du Clavecin bien tempéré de Sébastien Bach. Il avait beaucoup insisté sur le double profit, pour les doigts et pour le sentiment, qu’il y avait à retirer de ce recueil si l’on s’attachait à le travailler. Il m’en exécutait des pièces difficiles avec une technique impeccable et en grand musicien, mettant en relief les parties principales, et il me faisait remarquer ce qu’il y avait de moderne dans certaines de ces pièces, comme dans le prélude en si bémol mineur, numéro XXII du premier cahier, qu’il jouait avec une expression passionnée et douloureuse de la plus vive intensité, mais sans l’ombre d’une exagération et toujours guidé par un goût parfait. Il était d’avis que le pianiste, pour bien ressentir l’émotion esthétique et bien nuancer, devait fredonner, s’aider de la voix qui le portait, animait, colorait son jeu, et lui-même s’en servait, surtout lorsqu’il interprétait un morceau d’orchestre, imitant, à bouche ouverte ou à bouche fermée, le timbre des divers instruments, complé