Page:Bizet - Lettres à un ami, 1909.djvu/55

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Il est possible qu’en sortant de la première de Carmen, il ait subi une dépression morale passagère, mais Guiraud ne me l’a pourtant pas signalée, n’y attachant pas probablement plus d’importance qu’il ne convenait, et il ne m’a pas parlé de cette marche dans Paris qui aurait duré toute la nuit et pendant laquelle Bizet, seul avec lui, aurait exhalé sa douleur. D’ailleurs, dans un article du Théâtre[1], sur la Millième Représentation de Carmen, Ludovic Halévy a écrit ceci qui est très positif : « Nous habitions, Bizet et moi, la même maison…, nous rentrâmes à pied, silencieux. Meilhac nous accompagnait. » M. Vincent d’Indy m’a raconté qu’après le premier acte, lui et d’autres jeunes musiciens rencontrèrent Bizet qui se promenait rue Favart, sur le trottoir où donnait l’entrée des artistes, et qu’ils l’entourèrent en le félicitant de tout ce qu’il y avait de vie dans ce premier acte. Il leur répondit doucement : — Vous êtes les premiers qui me disiez ça, et je crains bien que vous ne soyez les derniers. »

  1. Nº du 1er janvier 1905, p. 8, col. 2.