Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/194

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dicteur. Charles X manquait tout à fait de décision ; mais, ainsi que tous les esprits irrésolus, losqu’une fois il avait pris un parti, il voulait avec fougue pour n’être pas obligé de vouloir long-temps.

C’est pourquoi le monarque et le ministre mirent l’un et l’autre à s’aveugler une folie opiniâtre et impatiente. Malheureux à qui manquait la vigueur de leur témérité, et qui fermaient les yeux devant le péril, capable qu’ils étaient de braver, mais non de le braver sans s’étourdir.

Quoi qu’il en soit, l’incertitude publique, en se prolongeant, éveilla cet esprit de spéculation propre à la haute bourgeoisie. L’audace des hommes de bourse trouvait dans les obscurités de la politique un aliment dont elle ne manqua pas de s’emparer. Les banquiers assiégeaient par leur émissaires toutes les avenues du trône. Des influences de sacristie furent mises en jeu ; des traités furent passés avec certains personnages qui avaient l’oreille des ministres. Un financier qui, sous l’Empire d’abord, puis sous la Restauration, s’était acquis une déplorable réputation de hardiesse et d’habileté, s’érigea, par acte passé devant notaire, à payer cinquante mille francs la communication d’un travail préparatoire des ordonnances qu’on prévoyait. Les cinquante mille francs furent payés, et l’heureux spéculateur se mis à jouer à la baisse. Moins bien informé, et convaincu que la crise n’éclaterait qu’au mois d’août, M. Rothschild, au contraire, jouait à la hausse. Dans la nuit du 25 au 26 juillet, le prince de Talleyrant manda auprès de lui un de ses amis, dont la fortune était fortement engagée dans les affaires de bourse. Il lui