Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/317

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pour l’enfance, un encouragement à l’héroïsme, mais aussi une excitation à la cruauté.

Les bataillons qui n’avaient pas suivi le Cours-la-Reine, s’étaient ralliés à l’Arc-de-l’Étoile, d’où ils s’étendaient jusqu’à la porte Maillot : ils touchaient à la maison de campagne de Casimir Périer. Un chef de bataillon et quelques officiers furent invités à y entrer. On leur y fit un accueil convenable, et des rafraîchissements leur furent servis. Leur tristesse était amère et profonde. Quels soldats terribles que ces Parisiens ! disait le chef de bataillon, en rappelant les vides que la mort venait de faire dans son régiment. Là, comme à Chaillot, une bande d’enfants vint assaillir quelques soldats à coups de fusils. Ceux-ci, exaspérés, entrèrent, en poursuivant leurs aggresseurs, dans une maison où des ouvriers étaient à boire, et par l’effet d’une vengeance égarée, ces ouvriers furent égorgés. Quelques coups de canon, tirés dans la direction de Neuilly, envoyèrent dans le parc des boulets que le duc d’Orléans put peser dans sa main ; l’un de ces boulets tua un villageois qui passait sur le pont. Ainsi les malheurs que toute guerre enfante survivaient à la guerre.

Le Dauphin, qui s’était fait substituer au duc de Raguse dans le commandement des troupes, vint les recevoir au bois de Boulogne ; mais il ne trouva pas une seule inspiration dans sa douleur ou plutôt dans sa colère. S’étant approché d’un capitaine, il lui demanda combien il avait perdu d’hommes. « Beaucoup, Monseigneur, » répondit le capitaine. Et de grosses larmes roulaient le long de ses joues.