Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/318

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« Vous en avez bien assez, vous en avez bien assez, » reprit d’un air distrait le Dauphin, qui était né prince. Les troupes arrivèrent à Saint-Cloud, mourant de faim, consternées, haletantes. On les fit bivouaquer dans le parc. Le plus grand désordre régnait aux environs du château. Déjà, dans la cour, les chevaux étaient sellés et chargés. Les élèves de Saint-Cyr accoururent : il y eut de plus, autour de ce trône en péril, quatre pièces de canon, et, pour en faire le service, quelques écoliers. Le duc de Bordeaux dînait. On raconte que M. de Damas, ayant fait dégarnir la table, le duc de Bordeaux prit lui-même plusieurs plats d’argent qu’il élevait avec effort au-dessus de sa tête et faisait passer aux gens de service pour qu’ils les descendissent aux soldats. Cela divertit beaucoup le jeune prince : c’était un jeu nouveau pour cet enfant.

Déjà l’heure des transactions était passée pour Charles X. Ses ennemis avaient obtenu de tels succès, qu’il n’avait plus qu’à rester roi tout à fait ou qu’à cesser tout à fait de l’être. Situation favorable, parce qu’elle était extrême ! Tant que les chances avaient été de son côté, il lui fut permis de céder quelque chose ; mais près d’être abattu, il ne lui restait qu’un parti à prendre, un seul : combattre jusqu’à la mort, non plus pour la royauté seulement, mais pour la dictature. C’est le parti qu’il aurait pris, si son âme avait été aussi haute que son rang. Et, dans ce cas, ses ennemis, en voulant lui enlever tout, lui auraient donné le pouvoir de tout conserver. Car, pour les cœurs dignes de l’empire, l’excès des revers est une force. Mais le malheur de