Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/346

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donnerons jamais cela ! » Devant d’aussi nobles répugnances les deux envoyés restaient interdits, lorsque Mme Adélaïde survint, suivie de Mme de Montjoie.

Mme Adélaïde avait trop de virilité dans l’esprit, et au fond de l’âme trop peu de tendresse religieuse, pour se plier à des considérations de famille. Cependant, pénétrée qu’elle était des dangers dont son frère était entouré, elle se hâta de dire : « Qu’on fasse de mon frère un président, un garde national, tout ce qu’on voudra ; pourvu qu’on n’en fasse pas un proscrit. » Ces paroles étaient l’expression naïve et fidèle des sentiments du prince en ce moment. Mais ce que M. Thiers venait offrir, c’était une couronne, et Mme Adélaïde n’avait garde de repousser une offre aussi séduisante. Dévouée entièrement au duc son frère, dont elle partageait les vues et sur qui elle exerçait quelques empire, elle avait rêvé pour lui des grandeurs dont elle le jugeait digne. Une seule crainte parut la préoccuper. qu’allait penser l’Europe ? S’asseoir sur ce trône d’où Louis XVI n’était descendu que pour aller à l’échafaud, n’était-ce pas jeter l’alarme dans toutes les maisons royales, et remettre en question la paix du monde ?

M. Tiers répondit que ces craintes n’étaient pas fondées ; que l’Angleterre, toute pleine encore du souvenir des Stuarts vaincus, battrait des mains à un dénouement dont son histoire fournissait l’exemple et le modèle ; que, quant aux rois absolus, loin de reprocher au duc d’Orléans d’avoir fixé sur sa tête une couronne suspendue dans l’orage, il lui