Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/371

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un refus aux avances périlleuses d’une révolution ? tel était le sujet de tous les entretiens. Est-il arrivé, demandait-on à tout moment ? M. Laffitte, dont la présence d’esprit ne devait pas se démentir, M. Laffitte se portait caution pour le prince, et cherchait à raviver autour de lui une confiance que, peut-être, il ne partageait pas. De son côté, M. Thiers allait de l’un à l’autre, portant à tous des paroles d’encouragement et d’espoir. Mais les heures s’écoulaient. Le bruit se répandait qu’on enlevait les meubles du Palais-Royal, déménagement significatif et lugubre ! Le mot république, qui n’avait été que murmuré jusque-là, commençait à être prononcé tout haut ; enfin, Béranger qui s’était rendu à la réunion Lointier pour y faire l’essai de son influence, Béranger lui-même avait été froidement, disait-on, accueilli par la jeunesse. Alors, par un de ces revirements soudains qui mettent si tristement en relief le côté honteux de la nature humaine, les salons de l’hôtel Laffitte se désemplirent avec rapidité. Chacun trouvait quelque prétexte pour s’esquiver. A onze heures, dans cette étonnante semaine où le sommeil avait fui de tous les yeux, à onze heures, il ne restait plus auprès de M. Laffitte que le fils du conventionnel Thibaudeau et Benjamin Constant. Ils allaient se séparer : le duc de Broglie entra, suivi de M. Maurice Duval. Le duc de Broglie craignait qu’on ne voulut le pousser trop avant dans les hasards de la révolution. M. Laffitte n’oublia rien de tout ce qui pouvait fortifier le courage de ce haut personnage. Mais à peine celui-ci avait-il franchi le seuil de la cour, que, se tournant vers