Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/393

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des théories américaines à un pays tel que la France. Le prince ne niait pas cependant qu’il ne fût républicain au fond du cœur, et il tomba d’accord avec M. de Lafayette que le trône qu’il fallait en France « était un trône entouré d’institutions républicaines. » M. de Lafayette fut si enchanté de ces déclarations, qu’il ne songea pas même à montrer le papier qu’il avait apporté. La parole d’un gentilhomme lui parut une garantie plus forte qu’une signature qu’il n’aurait pu demander sans témoigner pour le duc une défiance injurieuse. Plus tard, il dit à M. Armand Carrel qui lui reprochait avec amertume sa conduite dans cette fameuse entrevue : « Que voulez-vous, mon ami ? à cette époque-là, je le croyais bon et bête. »

Du reste, l’éducation politique des esprits, sous la Restauration, avait été fort mal faite. Un trône républicain fut la dernière chimère enfantée par le désir du changement. Il faut ajouter qu’elle séduisit quelques hommes sérieux car, en apprenant par M. Civiale la révolution de juillet et le dénouement qu’on lui préparait, le vieil abbé Grégoire, qui habitait alors Passy, s’écria, plein d’enthousiasme et en joignant les mains : « Il serait donc vrai, mon Dieu ! nous aurions tout ensemble la république et un roi ! »

Les hommes d’une intelligence élevée ne pouvaient guère partager ces transports puérils, et rien ne le prouva mieux qu’une démarche qui fut alors tentée par Bazar auprès de Lafayette. Bazar était un esprit hardi et vigoureux. Nourri de la lecture de Saint-Simon, il avait puisé dans les écrits de ce gen-