Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/409

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procurer des vivres à leurs soldats accablés de fatigue et de chagrin. Mais à la douleur se mêlait déjà la colère, et la désertion commença. Le bivouac durait depuis quelques heures, et les troupes n’avaient pas encore été passées en revue. On se demandait avec surprise dans les rangs ce qui retenait les princes si loin de ceux dont leur présence aurait encouragé la constance et ranimé l’ardeur. Témoins des progrès du mécontentement général, M. Sala et un de ses camarades, tous deux officiers du 6e de la garde, se rendirent aux grilles de Trianon. Mais, ayant rencontré en chemin MM. de Guiche et de Ventadour, ils apprirent qu’on allait se remettre en marche. Ils éclatèrent alors, et se plaignirent de l’inconcevable confusion dans laquelle on laissait l’armée royale. « Personne ne commande, disaient-ils ; c’est tout au plus si quelques généraux viennent d’un air indifférent se promener au milieu de nous, avec des épaulettes sur un habit bourgeois. Les services ne sont pas régularisés ; rien n’est tenté pour réparer les fautes qui ont jeté partout la découragement. Que veut-on faire de l’armée ? qu’on le dise. N’est-il pas temps que la vie des cours finisse, et que celle des camps ait son tour ? » Un ordre de départ fut la seule réponse qu’on fit à ces plaintes militaires.

Bien qu’un nouveau ministère eût été nommé, les anciens ministres n’avaient pas cessé d’accompagner le roi et de délibérer. A Trianon, ils tinrent conseil. M. de Guernon-Ranville fut d’avis que le roi ne pouvait pas rentrer dans Paris avant la soumission des rebelles ; qu’il n’avait plus qu’un parti