Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/504

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du capitaine Dumont d’Urville. Ces vaisseaux avaient une origine républicaine, ils étaient américains, et ils appartenaient à des Bonaparte. Les peuples aiment à remarquer ces contrastes, qui sont la poésie de l’histoire.

Le port de Cherbourg est séparé de la ville par une vaste grille circulaire. La porte en fut confiée à quelques grenadiers, et le dernier peloton des gardes ne l’eût pas plus tôt franchie, qu’elle se referma brusquement sur la foule. Ce fut alors un étrange et douloureux spectacle. Derrière les gardes, rangés en bataille sur la jetée, des milliers de têtes se collaient à la grille, animées par la curiosité, la compassion ou la colère. Devant, c’était la mer, la mer, avec l’idée toujours présente des abîmes et le souvenir des naufrages !

Les voitures étant arrivées à un petit pont recouvert d’une étoffe bleue, toute la famille royale mit pied à terre. M. de Larochejacquelein soutenait la dauphine éperdue. Appuyée sur le bras de M. de Charette, la duchesse de Berri montrait plus d’indignation que d’abattement, et son attitude trahissait l’ardeur de son sang napolitain. Charles X était toujours calme : il veillait sur son cœur.

M. de Damas, qui craignait pour le duc de Bordeaux, le prit dans ses bras, et le porta sur le navire en l’entourant avec une inquiétude visible. Mais l’enfant ne voulait point partir, et on eût quelque peine à vaincre sa répugnance. Comme toutes ces infortunes se ressemblent ! En 1814, à Rambouillet, et après que Joseph l’eût résolue, cette fuite qui livrait l’Empire, on raconte que le petit roi de Rome,