Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans qu’ils aient eu la satisfaction d’y respirer à l’aise et de la braver ; je plains ceux qui, doués d’une âme forte, sont morts cependant sans avoir vécu, ceux dont le passant foule, sans y songer, la cendre mêlée à la poussière des chemins. Eh, mon Dieu ! il est certaines défaites qui enivrent autant que les victoires. L’orgueil humain se plaît aux grands désastres comme aux grands succès. Tomber de haut est une manière d’être distingué par la fortune. Que Napoléon ait glissé de son piédestal en quelques heures que dans le palais préparé pour son fils il ait vu s’installer des princes étrangers qu’on lui ait donné pour dernière patrie un rocher perdu dans l’immensité des mers, et qu’il s’y soit lentement consumé sous l’œil de ses plus cruels ennemis, ce n’est pas de cela qu’il faut le plaindre. Mais que l’abolition promise, espérée, des droits réunis, soit devenue une des causes de sa chute ; mais qu’il ait été dompté, lui, guerrier sans égal, par quelques marchands ameutés ; mais qu’il n’ait rien pu sur une assemblée de procureurs et d’agioteurs, lui dont on avait dit avec vérité que sa présence produisait sur des armées innombrables le même effet que celle du lion sur les plus intrépides chasseurs, ah ! voilà ce qui doit le rendre l’objet d’une compassion éternelle. Les heures qui s’écoulèrent pour lui à l’Élysée-Bourbon, alors qu’il veillait sa veille suprême, furent des heures d’humiliation et d’amertume, telles que jamais