Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/70

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recettes habituelles. C’est de 1815 que datent la plupart des fortunes marchandes de la capitale. » La preuve que la bourgeoisie, en 1830, n’a pas prétendu châtier dans les Bourbons des princes amenés en France par les étrangers, c’est qu’elle a choisi, pour le mettre sur le trône, Philippe, duc d’Orléans ? Ce duc d’Orléans, comment était-il rentré en France ? Ne s’était-il pas trouvé, lui aussi, dans l’arrière-garde de l’invasion ? Justice et vérité pour tous. Si la bourgeoisie, en 1830, avait prétendu faire expier à la royauté 1815, je dis qu’elle se serait vengée sur les Bourbons aînés du crime dont elle s’était elle-même rendue complice. Il n’en fut rien. C’était le peuple qui se souvenait[1].

  1. Voici dans quels termes M. Villemain, qui a été ministre depuis 1830, félicitait l’empereur Alexandre de sa victoire de 1814, et cela en pleine académie, le 21 avril 1814 :

    « Quand tous les cœurs sont préoccupes de cette auguste présence, j’ai besoin de demander grâce pour la distraction que je vais donner. Quel contraste d’un si faible intérêt littéraire et d’un semblable auditoire ! Les princes du nord qui vinrent autrefois assister à ces mêmes séances, prévoyaient-ils qu’un jour leurs descendants y seraient amenés par la guerre. Voilà les révolutions des empires. Mais sur les âmes généreuses, le pouvoir des arts ne change pas. Devant l’image des arts, les monarques armés s’arrêtent comme les monarques voyageurs. Ils la respectent dans nos monuments, dans le génie de nos écrivains, et dans la vaste renommée de nos savants. L’éloquence, ou plutôt l’histoire, célébrera cette urbanité littéraire, en même-temps qu’elle doit raconter cette guerre sans ambition, cette ligue inviolable et désintéressée, ce royal sacrifice des sentiments les plus chers immolés au repos des nations et à une sorte de patriotisme européen. Le vaillant héritier de Frédéric nous à prouvé que les chances des armes ne font pas tomber du trône un véritable roi ; qu’il se relève toujours noblement, soutenu sur les bras de son peuple, et demeure invincible par ce qu’il est aimé. La magnanimité d’Alexandre reproduit à nos yeux une de ces âmes antiques passionnées pour la gloire. Sa puissance et sa jeunesse garantissent la longue paix de l’Europe. Son héroïsme, épuré par les lumières de la civilisation moderne, semble digne d’en perpétuer l’empire, digne de renouveler, d’embellir encore l’image du monarque philosophe, présentée par Marc-Aurèle, de montrer enfin sur le trône la sagesse armée d’un pouvoir aussi grand que les vœux qu’elle forme pour le bonheur dut monde. »