Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/16

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façonnée à l’esclavage, pour que l’empereur Nicolas redoutât beaucoup la contagion de l’exemple donné par la France. L’esprit de propagande ne pouvait guère l’effrayer que relativement à la Pologne. Mais la révolution de juillet venait couper court à une alliance qui promettait aux Russes, sur les confins de l’Asie et de l’Europe, une position qui les aurait rendus souverains arbitres des destinées du monde. Voilà ce que l’empereur Nicolas ne put voir sans un amer dépit. L’obstacle inattendu opposé à sa politique extérieure le touchait plus vivement que l’atteinte portée à l’inviolabilité des races royales. Il dissimula néanmoins la nature de ses ressentiments, fidèle en cela aux traditions de la Russie qui, depuis un demi-siècle, n’avait cessé de mettre en avant les questions de droit et de principes, pour masquer ses intrigues diplomatiques ou ses projeta d’agrandissement.

Pour ce qui est de l’Autriche et de la Prusse, toute distinction entre la politique de principes et la politique d’intérêt y eût été puérile ; car, que le dogme de la souveraineté du peuple fût admis en Allemagne, c’en était fait du despotisme de la diète, despotisme dont la Prusse et l’Autriche se partageaient le honteux bénéfice. La cour de Vienne, surtout, était intéressée à repousser ce brûlant appel à la liberté, qui devait si aisément trouver des échos en Italie et y devenir un appel à l’indépendance.

Tels étaient les sentiments contraires que la révolution de juillet devait faire naître. Mais leur manifestation fut précédée par une sorte de stupeur étrange, immense. Rien de pareil ne s’était