Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/298

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se rallumer à la plus légère provocation. Quand M. Arago et ses compagnons d’armes arrivèrent à l’entrée du jardin, là où se trouvaient les écuries, les assaillants étaient déjà en pleine possession de l’archevêché, dont ils achevaient la démolition avec une sorte de frénésie. Une masse d’hommes robustes, s’attachant à la grille, l’avait pliée en deux par un soudain et puissant effort. En un clin-d’œil, les appartements avaient été envahis, les lustres mis en pièces, les portraits déchirés, les marbres brisés, les tables et les fauteuils rompus, les boiseries arrachées ; de vastes pans de murs s’écroulaient tout-à-coup comme poussés par une force magique les glaces volaient en éclat ; on voyait tournoyer en l’air et tomber dans le jardin, lancés de toutes les fenêtres, livres rares, manuscrits précieux, riches crucifix, missels, chasubles, soutanes, ornements de toute espèce. Piller, personne n’y songeait ; mais l’ardeur de détruire s’était, ainsi qu’une fatale ivresse, emparée de tous les esprits. Plusieurs compagnies de la 9e légion, commandées par M. de Schonen, avaient pénétré dans l’archevêché ; mais, isolés les uns des autres par le flot irrésistible des démolisseurs, les gardes nationaux erraient ça et là, par petits groupes, au milieu des décombres, et ne faisaient qu’assister l’arme au bras à cette immense destruction. Du reste, là, comme la veille à St.-Germain-l’Auxerrois, c’étaient les bourgeois qui avaient imprimé le mouvement et qui donnaient l’exemple. Ce qui fut perdu pour l’art et pour la science, dans ce jour de folie, est incalculable. Jamais dévastation n’avait été plus extraordinaire,