Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/64

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et, se penchant vers madame de Feuchères : « Dites-lui donc de se taire. » À neuf heures, le jeu commença. Car, depuis trois jours, le prince avait repris ses habitudes de plaisir. Il fit sa partie de whist avec madame de Feuchères, MM. de Lavillegontier et de Préjean ; critiqua un coup, montra plus de gaîté qu’à l’ordinaire, perdit de l’argent et s’abstint de payer, en disant : A demain.

Il devait partir le 31 août, et telle était son impatience de quitter St.-Leu, qu’il avait recommandé à Dubois, son architecte, de préparer son appartement à Chantilly, en toute hâte, et dût-on y passer la nuit. S’étant levé après le jeu, et traversant le vestibule pour se rendre à sa chambre à coucher, il fit à ses gens un signe amical qui les surprit, parce qu’il ressemblait à un signe d’adieu. Était-ce un de ces adieux funèbres par où s’échappe la pensée d’une mort prochaine ? Était-ce l’indication mélancolique du projet de voyage et d’exil ?

Arrivé dans sa chambre à coucher, où l’avaient suivi le chevalier Bonnie, son chirurgien, et Lecomte, son valet de chambre de service, le duc de Bourbon garda le silence pendant qu’on le pansait et qu’on le déshabillait. Mais cette circonstance ne fut remarquée ni par Lecomte, ni par M. Bonnie, car elle n’avait rien de contraire aux habitudes du prince. « À quelle heure Monseigneur veut-il que j’entre demain matin, demanda le valet de chambre au moment de se retirer ? — À huit heures, répondit le prince avec sa tranquillité ordinaire. »

La chambre à coucher du duc de Bourbon était liée par un petit passage à un salon d’attente. Ce