Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/99

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sentèrent les armes. Il put même juger aux cris de Vive le prince ! qui retentissaient de distance en distance, qu’il n’entrait pas dans une ville ennemie. Mais lorsqu’il aperçut dans les rues d’énormes barricades et tout le sinistre appareil d’une cité en péril, il se sentit prêt à défaillir et pâlit. D’ailleurs, à mesure qu’il avançait, la voix du peuple dominait de plus en plus celle de la bourgeoisie et portait à son cœur épouvanté ces cris de guerre : Vive la liberté ! À bas Van Maanen ! Pour se rendre à son palais, il voulait suivre la rue de la Madeleine on cria : de toutes parts À l’hôtel-de-ville ! Profondément troublé, il continua sa route avec une extrême vitesse et comme en fuyant. Sur la place de la Justice, où il parut seul, ses aides-de-camp ne l’ayant pu suivre, une sentinelle donna l’alarme, et le poste, accourant, croisa sur lui la baïonnette. Ainsi la fièvre révolutionnaire avait déjà gagné Bruxelles, et le prince se trouvait engagé dans une entreprise dont le dénouement pouvait devenir terrible. Il abrégea le plus qu’il put son séjour dans une ville où déjà flottait partout le drapeau fatal à sa maison. Mais plusieurs députations s’étaient succédé auprès de lui ; il avait reçu la visite de presque tous les notables de Bruxelles ; et une commission nommée pour aviser aux mesures à prendre dans la circonstance, avait enfin prononcé le mot séparation. Ce mot laissait au prince d’Orange l’espoir d’une couronne. « À ce prix, dit-il dans une réunion où la question devait se décider, vous me serez fidèles ? — Oui ! oui ! répondirent avec enthousiasme les assistants. — Et vous ne vous réunirez pas aux Français ?