Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/15

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gouvernement le souci de faite fusiller un maréchal de France[1].

Il fallait se décider, pourtant. Car le sang versé dans l’Ouest criait vengeance, des clameurs redoutables s’élevaient du sein des familles que la guerre civile avait plongées dans le deuil, et les vainqueurs du mois de juillet, les libéraux sincères, les républicains, demandaient avec emportement qu’un grand exemple fût donné et que justice fût faite. Or, les légitimistes, de leur côté, disaient retentir partout les éclats d’un enthousiasme monarchique qui servait à masquer leur abattement. La Gazette de France et la Quotidienne publiaient, chaque jour, et des adresses pour glorifier le courage de la mère de Henri V, et des protestations contre le guet-a-pens dont elle avait été victime ; un grand nombre de gentilshommes firent connaître le projet qu’ils avaient formé de lui faire par souscription une liste civile ; enfin, M. de Chateaubriand, dans une brochure devenue célèbre, osa s’écrier : « Madame, votre fils est mon roi. » Ces mots volèrent bientôt de bouche en bouche, dans le partit royaliste, et des centaines de jeunes gens, fils de nobles, tra-

  1. Au reste, M. Thiers ne resta pas chargé long-temps, comme ministre de l’intérieur, des mesures à prendre relativement à la duchesse de Berri. Il existait entre lui et M. d’Argout, ministre du commerce et des travaux publics, une mésintelligence profonde. Possédé par le goût des affaires, M. d’Argout avait ajouté à ses attributions la direction des communes et des gardes nationaies, ce qui faisait du ministère de l’intérieur ce qu’avait été, sous l’Empire, le ministère de la police. M. Thiers s’en plaignit : « Je ne veux pas être, disait-il, le Fouché de ce régime. » Après de longs débats, il fut convenu que M. d’Argout aurait le ministère de l’intérieur avec la direction des gardes nationales et des communes, et que M. Thiers passerait aux travaux publics. Ce fut conséquemment M. d’Argout qui eut à suivre spécialement l’affaire de Blaye.