Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/276

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tenue et stationne du côté de la place Saint-Jean. La cathédrale, qui confine à cette place, regorge de troupes, et des baïonnettes brillent entre les gothiques moulures de l’édifice sacré. Ainsi gardée la ville présente une horrible physionomie. L’agitation y règne, mais une agitation muette, indéfinissable. Dans le même lieu se succèdent, d’un moment à l’autre, d’étranges mouvements de foule et la solitude.

Dès la pointe du jour, trois hommes s’étaient rencontrés sur le quai Saint-Antoine. C’étaient MM. Baune, Albert et Limage. Le premier, quoique malade, allait visiter les quartiers du centre. Le second se rendait au lieu où le comité avait coutume de tenir ses séances. Le troisième se préparait à obéir. Ils n’avaient eu qu’à regarder autour d’eux pour comprendre que le sort en était jeté. Ils se séparèrent en se serrant la main avec une émotion convulsive. « Nous ne nous reverrons sans doute plus, dirent-ils. » Avant la fin de la journée, l’un d’eux M. Limage, était mort.

Il est dix heures et demie environ. Un moment couverte de monde la place Saint-Jean est subitement devenue déserte. Le peuple reflue dans les rues circonvoisines, et quelques enfants s’y essaient à former des barricades, sous l’œil de la foule qui les regarde en silence. Dans l’intérieur du tribunal en face des mutuellistes arrêtés, les juges sont sur leurs sièges, s’efforçant de composer leur attitude, luttant contre leur préoccupation, et ne prêtant qu’une oreille distraite à la plaidoirie de M. Jules Favre. Tout-à-coup, une détonation retentit. M. Jules