Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/315

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dernier soupir. Ses moments suprêmes furent remplis d’amertume ; et l’ingratitude dont on avait payé ses services étant devenue le poison lent de sa vieillesse, des paroles de malédiction marquèrent ses adieux à la vie. On lui fit des funérailles, magnifiques par le deuil des âmes et l’abattement des visages. Le parti républicain perdait en M. de Lafayette ce qui lui eût été presque plus utile qu’un chef ; il perdait un nom.

Tout réussissait, on le voit, à la dynastie d’Orléans. Il ne manquait plus aux serviteurs de cette dynastie que de savoir se modérer : ils n’en eurent pas la force. Nous avons dit avec quel empressement ils avaient profité d’une heure de triomphe pour se faire autoriser à lever, en pleine paix, une armée suffisante pour la guerre. La pensée du règne était là.

Et la bourgeoisie, puissance rivale de la royauté, la bourgeoisie applaudissait avec une ardeur imbécile, ne voyant pas qu’elle contribuait à miner sa propre domination. Moins profondément aveuglée, elle aurait compris qu’au service d’un homme, des soldats deviennent tôt ou tard des satellites ; que, si on les appelle aujourd’hui à préserver l’ordre, on les appellera demain à protéger la tyrannie ; qu’il n’y a plus de liberté, plus de garanties, plus de distinction possible entre une résistance légitime et une rébellion coupable, partout où la répression frappe sans avoir le droit de raisonner ; que le pouvoir parlementaire cesse d’être indépendant, lorsqu’à sa milice, qui est la garde nationale, le pouvoir exécutif substitue la sienne, qui est l’armée ; qu’en un mot,