Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/369

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parlez devant la Chambre des pairs. Vos expressions, prenez-y garde, pourraient être considérées comme une offense. » Alors, avec un admirable accent de fierté de courage, de reproche, d’indignation : « Si parmi les pairs qui ont voté la mort du maréchal Ney, dit Armand Carrel, si parmi les pairs qui siègent dans cette enceinte, il en est un qui se trouve blessé de mes paroles, qu’il fasse une proposition contre moi, qu’il me dénonce à cette barre, j’y comparaîtrai. Je serai fier d’être le premier homme de la génération de 1830 qui viendra protester ici, au nom de la France indignée, contre cet abominable assassinat. » Les auditeurs s’étaient levés, dans les tribunes, saisis d’un transport d’enthousiasme ; les pairs étaient consternés. « Défenseur, s’écrie M. Pasquier, je vous retire la parole. » Mais, au moment même, d’une voix sortie des plus intimes profondeurs de l’âme le général Excelmans s’écrie, à son tour : « Je partage l’opinion du défenseur. Oui, la condamnation du maréchal Ney a été un assassinat juridique. Je le dis, moi ! » Des applaudissements répétés se font entendre. La séance est suspendue. Un trouble inexprimable domine les juges de 1815. L’ombre de Michel Ney était dans la salle ! Armand Carrel avait repris la parole au milieu de l’anxiété générale. Mais le nom terrible revenait à chaque instant sur ses lèvres. Interrompu encore une fois par le président, il dit : « Je considère la défense comme impossible. »

M. Rouen ayant été déclaré coupable à la majorité de 138 contre 15, les pairs allaient voter sur