Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/494

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ou que la tentative échoua. Ce qui est plus sûr, c’est qu’au sein d’un entourage qui l’enveloppait de séductions, M. Thiers n’eut pas de peine à s’accoutumer à l’éclat des grandeurs qu’on rêvait pour lui.

Il ne restait plus qu’à le séparer de ses collègues, en faisant grandir la cause et naître l’occasion d’un conflit. La rivalité qui existait entre M. Thiers et M. Guizot fut donc envenimée. On supposa des propos offensants, dont on se servit pour semer les défiances et enflammer la vanité, toujours crédule. On sut grossir des plaisanteries futiles jusqu’à en faire des injures. On inventa des torts, on créa des griefs. En un mot, l’on mit en jeu tous les ressorts de cette plate habileté qui est à l’usage des Cours.

M. Thiers se défendit assez faiblement. Il était d’autant plus disposé à se laisser vaincre, que son portefeuille était très-lourd à porter, dans la circonstance. Chargé, comme chef suprême de la police, d’écarter sans cesse le bras des assassins levé sur le roi, M. Thiers aurait voulu qu’on le déchargeât momentanément de cette pénible besogne. Or, ayant témoigné le désir d’aller à Lille prendre un peu de repos, il n’avait pu obtenir que, pendant ce temps, un de ses collègues doctrinaires acceptât le poids de l’intérim, et il avait dû se résoudre à envoyer, de Lille des ordres qui continuaient sa responsabilité en l’aggravant. De là des ombrages, des motifs d’aigreur. Les doctrinaires entendaient donc lui laisser tout le fardeau du pouvoir et en garder pour eux tous les avantages ! Voilà ce que M. Thiers se disait à lui-même pour colorer à ses propres yeux son dépit, et, peut-être aussi, pour s’encourager à une rupture.