Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/248

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sa neutralité. Ce ne fut donc pas sans un vif dépit qu’ils le virent prêter au Cabinet le secours de cette éloquence facile et persuasive dont la Chambre acceptait si aisément l’empire. Le discours de M. Thiers fut plus insinuant que hardi, plus habile que chaleureux mais il eut un résultat décisif Les fonds secrets furent votés par 250 voix contre 112. Et le ministère Molé sortit, humilié tout à la fois et raffermi, d’une épreuve dans laquelle il avait failli périr.

Les doctrinaires, cependant, n’étaient pas découragés et ils se préparaient à redoubler d’audace, lorsqu’un acte aussi éclatant qu’inattendu vint les frapper de stupeur et sceller leur défaite. Déjà, dans les derniers jours d’avril, le roi avait fait grâce à Meunier, condamné par la Cour des pairs comme régicide : le 8 mai, un rapport du ministre de la justice apprit à la France qu’une amnistie était accordée à tous les individus détenus dans les prisons de l’État par suite de condamnations prononcées pour crimes et délits politiques.

Au fond, l’amnistie était une machine de guerre dressée contre M. Guizot et ses amis. M. Guizot, pour créer des obstacles au Cabinet dont il ne faisait plus partie, s’était mis à l’accuser de mollesse et de lâcheté il avait essayé de ranimer les cendres, déjà refroidies, de nos discordes civiles ; il avait osé, dans un temps de calme, écrire sur sa bannière le mot intimidation. M. Molé, en décrétant l’amnistie, opposait à cette manœuvre d’un rival une manœuvre contraire. Et ce qui le prouve bien, c’est que, eollègues dans le ministère du 6 septembre,