Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/343

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trouverait dans chaque poste important : et dans les bureaux du ministère, et dans le Conseil d’État, et dans les Chambres, et dans les tribunaux, et à la Cour, et dans la presse ! On ne songeait pas au formidable réseau dont allait envelopper le pays cette tyrannie, multiple, mobile, insaisissable, ayant pied partout : véritable État dans l’État ! En Belgique, l’exécution des chemins de fer par le gouvernement avait été considérée comme le meilleur moyen de consolider la révolution de septembre et de défendre la nationalité belge contre la maison d’Orange ; et l’on avait eu raison. C’était donc une féodalité nouvelle qu’on prétendait organiser ! Qu’on y prît garde ! car, cette fois, le joug ne serait pas de fer, il serait d’or ; et, pour le briser, une seconde nuit du 4 août ne suffirait pas. Mais, en cas de danger, ne pourrait-on exproprier les compagnies ? Les exproprier ! Oui, peut-être, mais au prix d’un bouleversement effroyable. Et, si les compagnies se trouvaient composées d’hommes anti-nationaux, quelle carrière ouverte à la trahison dans une circonstance critique ? Les chemins de fer aux mains de ceux que la révolution de 89 abattit eussent probablement rendu cette révolution impossible.

Voilà par quels arguments le parti démocratique défendait ici la cause de l’État. Malheureusement, s’il jugeait nécessaire la consécration du principe, il ne pouvait pas, avec la même ardeur, en désirer l’application immédiate. Rempli, à l’égard de l’administration existante, d’une défiance légitime ; la sachant pressée de mille exigences parasites et moins